Une approche centrée sur le fonctionnement adaptatif
Le terme «Déficience Intellectuelle » (anciennement appelé «retard mental ») fait désormais l’objet d’une définition plus large dans la cinquième édition du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5), publié par l’American Psychiatric Association. À l’instar des récentes évolutions conceptuelles présentes dans d’autres classifications (CIM-11, publications de l’OMS, Association Américaine sur le Retard Mental [AAMR, devenue AAIDD]), le DSM-5 insiste sur deux dimensions essentielles :
1. Des limitations significatives des fonctions intellectuelles
Ces limitations se traduisent généralement par un QI situé en dessous de la moyenne (souvent autour de deux écarts-types en dessous de la moyenne, soit un QI < 70), évalué grâce à des tests psychométriques standardisés (p.ex. échelles de Wechsler: WPPSI-IV, WISC-V ou WAIS-IV selon l’âge).
Néanmoins, le DSM-5 souligne que le seul score de QI ne peut établir le diagnostic : il doit être accompagné d’une évaluation qualitative (force et limite des fonctions cognitives, notamment en mémoire, raisonnement, planification, langage, etc.).
2. Des limitations significatives du fonctionnement adaptatif
Le concept de fonctionnement adaptatif renvoie à la capacité de la personne à répondre efficacement aux exigences de son environnement quotidien, en tenant compte de son âge et du contexte culturel.
Ce fonctionnement adaptatif se décline en trois grands domaines :
- Conceptuel : aptitudes scolaires de base (lecture, écriture, calcul), capacités de raisonnement, planification, résolution de problèmes...
- Social : communication interpersonnelle, compréhension des conventions sociales, capacité à entretenir des relations et à se comporter de façon adaptée dans différents contextes.
- Pratique : autonomie dans les soins personnels, gestion de la vie quotidienne (transports, finances, utilisation des services communautaires), sécurité, organisation du travail, etc.
Les limites adaptatives doivent être suffisamment marquées pour nuire à l’autonomie de la personne et entraver sa participation sociale, scolaire ou professionnelle.
Un diagnostic posé avant 18 ans
Conformément aux critères du DSM-5, la survenue de ces difficultés intellectuelles et adaptatives doit être antérieure à 18 ans, afin de bien distinguer la Déficience Intellectuelle (Intellectual Disability) des troubles acquis survenant à l’âge adulte (p.ex. démence, traumatisme crânien). Cette précision rejoint l’idée d’un trouble du neurodéveloppement, qui s’inscrit dans la trajectoire de croissance physique et cognitive de l’individu.
Quatre degrés de sévérité basés sur l’adaptation
Le DSM-5 ne classe plus la Déficience Intellectuelle uniquement selon le QI (léger, moyen, grave, profond), mais selon le niveau d’assistance et de soutien requis, en prenant en compte l’impact du trouble sur les compétences adaptatives.
Cette analyse fonctionnelle permet de différencier :
- Déficience Intellectuelle Légère (mild) : la personne peut acquérir une relative autonomie et des compétences scolaires de base, avec un soutien adapté.
- Déficience Intellectuelle Modérée (moderate) : la personne peut réaliser des activités simples et acquérir une relative indépendance dans les tâches courantes, mais aura besoin d’un accompagnement régulier.
- Déficience Intellectuelle Sévère (severe) : le fonctionnement autonome est limité ; un soutien étendu est nécessaire pour les activités de la vie quotidienne.
- Déficience Intellectuelle Profonde (profound) : la personne présente des limitations très marquées dans les domaines conceptuel, social et pratique. Elle requiert un accompagnement constant dans tous les aspects de la vie quotidienne.
Cette gradation en fonction du fonctionnement adaptatif s’avère plus précise et plus proche de la réalité clinique
que le simple repère numérique du QI.
Vers une approche pluridimensionnelle
Le DSM-5, dans la droite ligne des recommandations de l’OMS (CIM-11) et de l’Association Américaine sur la Déficience Intellectuelle et le Développement (AAIDD), encourage les professionnels à mener des évaluations complètes. Celles-ci reposent sur :
- Des tests psychométriques standardisés, afin de mesurer les compétences intellectuelles (QI) et situer la personne par rapport à la norme de son groupe d’âge.
- Une analyse du fonctionnement adaptatif, incluant des questionnaires ou grilles d’évaluation (ex. Vineland Adaptive Behavior Scales, ABAS, etc.) renseignées par l’entourage ou les professionnels intervenant auprès de la personne.
- Une considération attentive du contexte socio-culturel, pour éviter de pathologiser des situations où le score de QI serait influencé par un manque de scolarisation ou d’opportunités éducatives.
- Une recherche d’étiologies ou de facteurs associés, tels que :
- Des causes génétiques (ex. trisomie 21, syndrome de l’X fragile),
- Des lésions cérébrales périnatales ou postnatales,
- Des troubles neurosensoriels, etc.
Le degré de soutien nécessaire constitue un indicateur important pour l’orientation vers des services d’éducation spécialisée, de rééducation ou d’insertion professionnelle.
Une vision plus environnementale
Alors que l’ancienne terminologie se focalisait sur l’«arriération mentale » ou le simple «retard mental », la perspective actuelle – tant dans le DSM-5 que dans la littérature scientifique – privilégie un vocabulaire davantage respectueux et moins stigmatisant. On met l’accent sur l’environnement de la personne et les ressources dont elle dispose (famille, école, structures médico-sociales, etc.), plus que sur un score de QI seul.
L’objectif est ainsi de reconnaître l’existence d’une vulnérabilité cognitive tout en identifiant, de manière constructive, les appuis et adaptations requis pour permettre à la personne d’accéder à un maximum d’autonomie, de participer à la vie sociale, et de développer son potentiel.
En conclusion
La Déficience Intellectuelle, selon le DSM-5, n’est plus envisagée comme un simple résultat chiffré découlant d’un test de QI; elle se définit surtout par des difficultés conjointes au niveau des fonctions intellectuelles (raisonnement, mémoire, abstraction) et de l’adaptation au quotidien (compétences sociales et pratiques). Le diagnostic est formellement posé lorsque ces limitations apparaissent avant 18 ans et qu’elles ont un retentissement significatif sur la vie de la personne.
Cette approche résolument pluridimensionnelle permet de mieux comprendre la diversité des situations, d’évaluer le niveau de soutien requis et de valoriser les capacités préservées. En France, près de 700000 personnes sont concernées à des degrés divers. Grâce à une détection précoce, à l’implication des familles et à l’intervention coordonnée des professionnels (médicaux, paramédicaux, éducatifs), nombre d’entre elles parviennent à développer leurs compétences, à évoluer dans un environnement adapté et à s’insérer plus pleinement dans la société.
Dans ce contexte, notre cabinet s’efforce de proposer un accompagnement bienveillant et personnalisé, en tenant compte non seulement du diagnostic, mais aussi de la souffrance qu’il peut générer au sein des familles. Nous sommes conscients des défis quotidiens qu’implique la Déficience Intellectuelle et veillons à créer un espace d’écoute et de soutien, en partenariat avec les parents, les équipes médico-sociales et les structures scolaires ou d’insertion. Notre objectif est d’aider chaque personne à développer au mieux ses capacités et à trouver la place qui lui convient dans la société, tout en allégeant la charge émotionnelle portée par les proches.