La mémoire est la capacité de conserver et de restituer une information acquise. Cette définition peut être élargie à la capacité d'évoquer une expérience passée, voire à la capacité d'adapter son comportement en fonction d'une expérience passée.
Les troubles de la mémoire (ou troubles mnésiques) sont multiples et couvrent à la fois les troubles de l'acquisition d'un souvenir (encodage), les troubles du maintien de ce souvenir à long terme (stockage), et les troubles de la réutilisation de l'information stockée (récupération).
Ils peuvent exister dans des circonstances très diverses chez l'enfant et l'adolescent. Ils sont parfois isolés ou bien associés à d'autres troubles cognitifs (dysphasie, dyspraxie visuo-spatiale...). Dans d'autres cas, ils s'inscrivent dans le cadre d'une pathologie ou d'une déficience (IMC, hydrocéphalie, séquelles de traumatisme crânien, trisomie 21, autres déficiences intellectuelles...). Par ailleurs, certains traitements médicamenteux peuvent entraîner des troubles de la mémoire.
La mémoire n'a pas une localisation unique dans le cerveau. Pour ce qui est de la mémoire à long terme, le processus de mémorisation implique des structures du cerveau bien précises : le système limbique, situé au centre du cerveau, et plus particulièrement sur le circuit hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaire de Papez. Le stockage de l'information mémorisée se fait ensuite dans une mosaïque d'aires spécialisées localisées dans la région du cortex où l'information a été traitée : le lobe temporal gauche pour le langage et le lobe occipital pour les souvenirs visuels par exemple.
Les principaux types de mémoire sont :
1. La mémoire de travail : système de capacité limitée responsable du maintien temporaire et de la manipulation de l'information lors de la réalisation de tâches cognitives. C'est ce type de mémoire qui est utilisé pour résoudre un exercice de mathématique par exemple : l'élève garde à l'esprit les différents éléments de l'énoncé, afin d'élaborer une stratégie pour répondre à la question posée. Cette mémoire est également indispensable à l'apprentissage de la lecture. La capacité de la mémoire de travail augmente avec l'âge : 3 chiffres en moyenne section de maternelle, 5 en CP, 7 +/- 2 à l'âge adulte.
2. La mémoire à long terme : de large capacité (habituellement qualifiée d'illimitée), elle permet de garder des informations pendant des années.
Elle se compose de deux entités :
- La mémoire implicite (ou procédurale) qui permet d'apprendre sans garder le souvenir de l'apprentissage et d'améliorer son habilité par la répétition de cette pratique (par exemple, apprendre à faire du vélo, conduire une voiture, tricoter, écrire ...)
- La mémoire explicite (ou déclarative) où sont gardés les souvenirs d'évènements familiaux, de livres lus, de voyages faits etc.
Les troubles de la mémoire sont rarement isolés. Ils sont le plus souvent transitoires, signe d'un manque de sommeil ou d'un trouble psychologique transitoire (dépression, stress...).
Parfois ils sont le signe ou la séquelle d'un problème neurologique tels que :
- Un traumatisme crânien, une chirurgie du cerveau, un accident vasculaire cérébral, une anoxie cérébrale (manque d'oxygène au niveau du cerveau).. ;
- Une maladie neurologique : tumeur cérébrale, anomalie des vaisseaux sanguins irrigant le cerveau, infection du cerveau et des méninges (ex. méningo-encéphalite herpétique) ... ;
- Une anomalie chromosomique : trisomie 21 ... ;
- Une carence nutritionnelle : carence en certaines vitamines, en particulier la B1... ;
- Une prise de certains médicaments ou de toxiques : prise de somnifères, intoxication alcoolique chronique...
En cas de trouble de la mémoire, une consultation médicale et un bilan neuropsychologique approfondi réalisé par un(e) neuropsychologue sont indispensables afin de dépister les causes et les symptômes associés (troubles de l'attention, dysorthographie, trouble du repérage temporel etc.) afin d'adapter au mieux la prise en charge ultérieure.
Chaque étape du processus de mémorisation et les différents types de mémoire peuvent être atteints, d'une manière isolée ou en association à divers degrés.
Classiquement sont décrits deux grands types d'amnésie :
- L'amnésie antérograde : la personne est incapable d'enregistrer de nouveaux souvenirs à partir de la date précise de l'événement déclencheur des troubles de la mémoire (maladie, traumatisme, etc.). Elle a ainsi de parfaits souvenirs de son enfance, mais aucun de la veille du jour actuel.
- L'amnésie rétrograde : À l'inverse de la précédente, la personne ne se souvient plus d'évènements survenus avant le début de sa maladie ou avant la date du traumatisme.
Ces deux types caricaturaux d'amnésie sont rarement vus chez les enfants pour lesquels les difficultés se situent surtout à la phase initiale de la mémorisation. Les informations stockées sont ensuite correctement stockées et restituées.
Les atteintes mnésiques sont variées dans l'intensité et dans leur type : certains enfants se souviendront par exemple d'une conversation de la veille mais pas de mots échangés juste quelques instants auparavant. Parfois, la difficulté de mémorisation peut ne concerner que certains canaux d'information, avec des troubles de la mémoire visuelle par exemple contrastant avec de bonnes capacités de mémorisation des informations auditives.
D'autres fois encore, cette difficulté peut porter uniquement sur un certain type d'information : les personnes atteintes de prosopagnosie, par exemple, n'arrivent pas à reconnaître le visage des personnes qu'ils connaissent, alors qu'ils sont tout à fait capables de les identifier au son de leur voix ou au toucher, et que par ailleurs, ils reconnaissent sans difficulté toutes les autres catégories d'objets. Un tel enfant, s'il est au restaurant en famille, par exemple, et qu'il sort un instant de la salle, sera incapable de reconnaître les membres de sa famille à son retour et sera donc en difficulté pour savoir à quelle table aller s'assoir. Cette sélectivité de certains troubles de la mémoire reste souvent déroutante pour l'entourage du sujet.
À l'école, les conséquences des troubles de la mémoire sont diverses. La dysorthographie est courante. Les troubles de la mémoire à long terme peuvent se traduire par un « manque du mot », c'est-à-dire, par un problème de restitution de l'information stockée. Si on montre à l'élève un objet (ex. un stylo) en lui demandant de le nommer, il n'y arrivera pas et fera une périphrase pour expliquer ce que c'est (ex. un instrument à encre servant à écrire). Si ce « manque du mot » est important, il peut se traduire par une pauvreté lexicale apparente, alors que les capacités de raisonnement et de langages sont parfaites.
Les difficultés au niveau de la mémoire de travail entraîneront des problèmes de hiérarchisation et de confusion. Ainsi, il devient difficile à l'enfant d'appréhender l'ensemble des règles d'un jeu, l'ensemble du sens d'un texte, l'ensemble du scénario d'un film, et d'établir des relations de causalité pertinentes. L'apprentissage de la lecture peut être retardé, puisqu'il est difficile à l'élève de découvrir l'étymologie commune ou des phonèmes communs à plusieurs mots. Finalement, les conséquences de ce trouble de la mémoire toucheront toutes les thématiques abordées à l'école, plus particulièrement à partir du CE1.
En cas de suspicion de trouble de la mémoire chez un élève, il est important de confronter les observations de différents personnels enseignants ainsi que des parents.
Il n'y a pas de traitement médicamenteux des troubles de la mémoire. La prise en charge repose uniquement sur de la rééducation, sous la direction d'un orthophoniste et/ou d'un neuropsychologue.
Un bilan paramédical préalable (bilan Orthophonique, Neuropsychologique, Psychométrique ...) permettra de préciser le type d'atteinte de la mémoire et les problèmes associés. Comme nous l'avons vu plus haut, l'atteinte de la mémoire est en effet souvent dissociée (atteinte de la mémoire visuelle mais pas auditive, de la mémoire à court terme mais pas à long terme ... et c'est sur cette dissociation que se basera la rééducation.
1. Renforcer la mémoire déficitaire en la faisant travailler sur des exercices spécifiques ou non (Memory ...). Cependant cette méthode est généralement peu efficace, sauf dans certains déficits de la mémoire de travail, et peu valorisante car elle force l'enfant à travailler sur un type de mémoire qu'il n'a pas.
2. Réorganiser le processus de mémorisation en s'appuyant efficacement sur les aspects fonctionnels de sa mémoire :
- Développer les opérations de compréhension et d'organisation des informations pour mémoriser du matériel « logique », comme un texte par exemple. L'enfant devra bien comprendre et analyser la structure du texte, les étapes importantes du récit, le lieu, les personnages, le nœud du problème.... Il multipliera ainsi les « portes d'entrées » et les mots-clés qui l'aideront à se remémorer le récit. Il devra aussi apprendre à hiérarchiser les informations : ce qui est important de mémoriser et ce qui est accessoire.
- Si le matériel à mémoriser n'est pas logique (comme le nom d'une personne par exemple), l'objectif est de rajouter des significations ou des indices qui permettront à l'enfant de retrouver plus rapidement l'information (ex. barbe, lunettes et grain de beauté, c'est l'oncle Jules). En cas de mémoire verbale déficiente avec une mémoire visuelle conservée, l'enfant peut être invité à se construire une image mentale interactive permettant de lui donner un indice. Par exemple, pour se rappeler du nom de Mr Seron, qui est chauve, il pourra prendre l'image d'un rond. En voyant Mr Seron, il verra sa calvitie, se souviendra de l'image du rond, et le mot « rond » sera l'indice pour « Seron ». Cette technique d'allure laborieuse, demande un travail initial très important de la part de l'enfant, mais elle est efficace et permet de mémoriser sur le long-terme de nombreuses informations. Des informations plus complexes peuvent être codées par des images également plus complexes (ex. un orchestre où chaque instrument porte une signification).
3. Se servir des capacités préservées de la mémoire implicite. Il s'agit donc d'apprendre des automatismes. Il est par exemple possible d'apprendre des gestes de la vie quotidienne, comme utiliser les fonctions élémentaires d'un ordinateur, sans faire appel à la conscience. Cette technique convient au mieux aux personnes atteintes de déficits mnésiques sévères (amnésiques), pour leur apprendre des gestes utiles pour leur autonomie (comment se servir d'un ordinateur, faire un trajet du quotidien...). Cette méthode est laborieuse, puisqu'à chaque nouvelle séance d'apprentissage la personne ne se souvient pas être déjà venue, pourtant elle donne des résultats étonnants en quelques séances. La personne apprend et s'améliore en effet d'une séance à l'autre sans en avoir conscience. Cependant, les acquis concernent exclusivement ce qui a fait l'objet de la rééducation.
4. Mettre en place des « prothèses » mnésiques (aide-mémoires) afin d'aider le sujet dans sa vie quotidienne : alarmes, agenda, planning sur le mur, flèches et indications sur les placards etc. Le sujet devra apprendre à se servir de ces aides et à ne pas oublier de s'en servir.
Les conséquences scolaires des troubles mnésiques sont variables selon la nature des difficultés, leur intensité, et l'existence éventuelle de troubles associés. De ce fait, certains élèves suivront une scolarité ordinaire, d'autres auront un parcours scolaire adapté (Ulis, Unité d'enseignement d'un établissement ou d'un service spécialisé), avec éventuellement un accompagnement par une Auxiliaire de Vie Scolaire. Les temps de remédiation pourront, selon les cas, avoir lieu sur le temps scolaire ou en dehors du temps scolaire. Des aménagements d'emploi du temps seront réalisés si besoin. Il pourra donc être utile d'élaborer un Projet d'Accueil Individualisé (PAI), de mettre en place un Projet Personnalisé de Scolarisation (PPS) ou encore de monter un dossier MDPH. Ces projets donneront le détail des aménagements à réaliser.
L'enseignant a tout d'abord un rôle d'alerte, lorsqu'il suspecte un trouble mnésique chez un de ses élèves. Cette suspicion devra être confrontée aux observations des parents et des autres personnels enseignants. Si les avis convergent, cette suspicion devra être confirmée à l'issue d'une évaluation plus poussée (bilan neuropsychologique, avis médical spécialisé).
L'élève ayant un déficit mnésique va établir des stratégies afin de contourner son déficit, notamment en approfondissant son analyse de l'objet en question et en établissant divers moyens mnémotechniques. Ces techniques, laborieuses, demandent de la part de l'élève une attention soutenue et impliquent de ce fait une plus grande fatigabilité et des fluctuations au cours de la journée dans ses capacités d'attention et de mémorisation. Elles sont aussi à l'origine d'une certaine lenteur.
Il faut être particulièrement vigilant lors de tout évènement qui sort de la routine habituelle. Les sorties scolaires sont particulièrement sensibles : l'élève pourrait oublier tout ou partie des consignes données par l'accompagnateur. En fonction de la sévérité de ses troubles, il pourra être confié à un accompagnateur ou à un élève référent qui veillera à lui répéter les consignes ou à l'accompagner lors des déplacements.
Les adaptations seront aux mieux discutées directement avec l'équipe soignante de l'enfant. Elles pourront être précisées dans le cadre du PAI, du PPS ou du dossier MDPH.
De façon générale, il est préférable :
- De faciliter le travail de mémorisation de l'élève en limitant les sources de distractions, par un placement judicieux au sein de la classe ;
- Reformuler systématiquement les consignes et de les donner sous plusieurs formes (à la fois à l'oral et par écrit au tableau) ;
- Rappeler les notions clés apprises précédemment ;
- Aider l'enfant à hiérarchiser les informations afin de mémoriser en premier les notions les plus importantes ;
- Créer des "référents" individuels ou collectifs (écrits, dessins ou pictogrammes, ...) afin d'établir des automatismes ;
- Fournir des moyens mnémotechniques, permettre l'utilisation d'aide-mémoires ;
- En cas de trouble mnésique touchant les voies d'entrée auditivo-verbales, s'appuyer sur la mémoire visuelle en utilisant des outils pédagogiques adaptés (encyclopédie, schéma, tableau récapitulatif etc.) ;
- Garder une trace (écrit, dessin) de chaque activité, afin d'aider l'élève à se les remémorer ;
- Travailler avec l'élève sur la reconnaissance du temps qui passe par l'établissement de points de repères temporels : emploi du temps, agenda, sonnerie de fin de cours, horloge dans la classe, carnet de mémoire où l'élève inscrit au fur et à mesure tout ce qu'il fait dans sa journée (ce qui lui évite de faire 2 fois la même chose) ...
- Prendre en compte la lenteur induite par les troubles de la mémoire et les stratégies de contournement qu'ils impliquent, par exemple en réduisant le nombre d'exercices à faire sur un temps imparti ou en octroyant un temps supplémentaire pour les évaluations.
Il faut garder en mémoire que l'élève n'est pas fainéant mais que son trouble l'empêche de mémoriser de la même façon que ses camarades et il vaut donc mieux éviter :
- De perdre son calme (ni énervement, ni culpabilisation) ;
- De nier l'échec si tel est le cas, mais aussi de mettre l'élève systématiquement face à son échec ;
- De culpabiliser l'élève ;
- De le forcer à faire des choses qu'il n'est pas en capacité de faire.
Selon le souhait de l'élève et de sa famille, il est possible à l'élève de présenter à ses camarades les difficultés qu'il présente, soit seul, soit avec l'aide de ses parents, du médecin scolaire ou de l'infirmière scolaire. Cela pourra répondre aux interrogations des autres élèves devant certains aménagements qui pourraient paraître injustes (exemple : avoir les tables de multiplication en libre consultation pendant les contrôles de mathématiques...).
Le devenir de l'élève à l'âge adulte est extrêmement variable en fonction de la sévérité des troubles mnésiques et des éventuels troubles associés. La majorité des personnes peuvent mener une vie quasi-normale, moyennant des aménagements sur leur lieu de domicile et au travail ; d'autres fois, l'importance des difficultés ne permet pas de mener une vie totalement autonome.
L'orientation scolaire et professionnelle devra donc être discutée au cas par cas avec l'élève, sa famille et les intervenants scolaires et médicaux.